Courtage

Les nouveaux enjeux du courtage, regards d'experts

Digitalisation, réglementation, le métier de courtier est en pleine révolution. Découvrez le regard croisé de 2 experts du courtage sur ces mutations profondes.

Dans la deuxième partie de notre interview croisée dédiée au courtage, Eric Lamouret, Président du SYCRA (Syndicat des Courtiers d’Assurance) et Eric Debèse, Fondateur du label Made in Courtage, nous livrent leur regard sur les évolutions récentes du métier de courtier et leurs prédictions sur l’avenir du métier.

Vous avez manqué la première partie de cette interview ? Retrouvez-la ici.

I. Les évolutions récentes du courtage

1. Un besoin de digitalisation amplifié par la crise sanitaire

Widmee : Quelles sont les évolutions récentes du courtage ? Quel regard portez-vous sur ces évolutions ?

Eric Debèse : Les évolutions les plus récentes sont directement liées à la crise sanitaire. Il a fallu que les courtiers adaptent très vite leur relation commerciale ainsi que leurs outils de communication.

Ça peut paraître anecdotique, mais il faut être capable d’échanger avec son client sur tous les canaux ainsi qu’avec les différents acteurs impliqués. Quand on achète un bien immobilier, le courtier est au cœur de l’opération pour accompagner le client mais en amont, il y a aussi eu un agent ou un mandataire immobilier pour l’accompagner dans la recherche du bien, la phase de signature du compromis de vente puis la phase notariale…

C’est la difficulté que toute la chaîne de transaction immobilière a rencontrée l’année dernière. Il y a des acteurs très éclatés qui n’étaient pas forcément très agiles sur la digitalisation de leur activité. Alors quand Emmanuel Macron a dit « plus de possibilité de se rencontrer physiquement, tout le monde est confiné »… il a fallu s’adapter. Ce sont sans doute les courtiers qui, dans la chaîne de transaction de l’immobilier, ont été les plus réactifs.

Courtage & obligations règlementaires, Interview Widmee

2. Le renforcement des obligations réglementaires

Eric Lamouret : Mon regard sur les évolutions du courtage est positif. Cela ouvre sur plusieurs stratégies envisageables et renouvelle le dynamisme de notre profession. Les stratégies adoptées par chaque courtier dépendant évidemment de leurs priorités, des moyens humains, matériels et financiers dont ils disposent mais également des compétences de leurs collaborateurs.

Les courtiers, comme tous les autres intermédiaires en assurance, n’ont cessé de s’adapter aux réglementations qui se superposent, aux délais contraints, et aux efforts de digitalisation demandés par les clients finaux. On est aujourd’hui dans un besoin d’immédiateté qui nécessite une adaptabilité et une agilité sans précédent.

La volatilité croissante des consommateurs, l’incessante montée en puissance de la bancassurance, Internet et enfin la réglementation européenne constituent les principales évolutions du métier des courtiers.

On peut voir ces évolutions comme autant d’opportunités qui poussent les courtiers à se transformer, et même à se regrouper. Tout cela est bénéfique, à condition de garder le sens des équilibres, l’éthique, le respect et la considération de nos collaborateurs. Le seul coefficient multiplicateur de l’EBITDA[1] ne doit pas nous faire oublier le côté humain et consumériste de notre profession au détriment des seules considérations financières.

Dans les évolutions potentielles, on doit citer l’externalisation de la gestion. On peut imaginer que les cabinets de courtage de proximité puissent externaliser la gestion de leurs contrats à des cabinets spécialisés. Cette délégation permettant ainsi aux courtiers de se concentrer sur l’aspect commercial et privilégier la relation directe avec les clients. Pour les sinistres, des cabinets auront en charge leur gestion totale depuis la déclaration jusqu’à l’indemnisation. Le coût supplémentaire de cette délégation étant compensée par une augmentation significative de la production.

Il faut également parler de la proposition de loi sur la Réforme du courtage portant sur l’Autorégulation du courtage, qui entrera en vigueur le 1er avril 2022, avec l’adhésion obligatoire des courtiers d’assurance à une association professionnelle agréée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).

Depuis déjà plusieurs années, la réglementation vise à mettre fin aux abus de certains courtiers qui mettaient systématiquement en avant les produits auxquels ils avaient un intérêt direct. Le courtier est donc de plus en plus tenu de permettre à son client de faire des choix éclairés et de lui proposer exclusivement des produits en phase avec son profil. Amenés à collecter davantage de données sur leurs clients, les courtiers doivent prouver que les produits qu’ils leur conseillent sont bien les plus adaptés à leurs besoins. Les normes réglementaires se renforcent et deviennent concrètes pour le quotidien des courtiers d’assurance qui doivent plus que jamais maîtriser ces normes et en faire un véritable levier de performance qui se mesurera positivement sur leur profitabilité.

II. Des attentes toujours plus fortes de la part des clients

1. Le modèle « SAVAPA »

Widmee : Quelles sont aujourd'hui les principales attentes des clients ?

Eric Lamouret : Si on devait résumer les nouvelles attentes des assurés, on pourrait les rassembler en six grands thèmes sous l’acronyme « SAVAPA » : Simple / Accessible / Varié / Adaptable / Personnalisé / Adéquat.

Les nouvelles attentes des consommateurs en matière de produits d'assurance, modèle SAVAPA - Source Widmee

2. « Du conseil et encore plus de conseil »

Eric Debèse : Plus de conseils et encore plus de conseils. Il faut que le conseil soit entièrement personnalisé avec une certaine forme de proximité. Cette dernière n’est pas forcément physique, mais plutôt dans la prolongation de cette personnalisation.

Je suis convaincu que cette crise sanitaire que nous vivons va profondément bouleverser nos modes de vie. On le vit tous à titre professionnel, on enchaîne les réunions Zoom, etc… Mais aussi à titre personnel. Je crois aujourd’hui que chacun a envie de se sentir quelqu’un finalement. Et, du coup, le consommateur final a envie d’être valorisé pour ce qu’il est et d’avoir une relation étroite avec le tiers de confiance.

Donc plus de conseils, personnalisés et plus de proximité. Et une certaine forme de complicité quelque part. Et ça se vérifie du fait que, très vite, le client et son courtier vont s’appeler par leur prénom. Et on ne voit pas ça avec son banquier.

III. Le courtier du futur : entre adaptabilité et expertise

Widmee : Quelles sont les compétences nécessaires pour réussir aujourd'hui et demain dans ce métier ?

Eric Lamouret : La transformation du courtage d’assurance est globalement encore ambiguë dans ses effets, on apprend en avançant. Ce n’est pas pour autant que cette transformation s’opère pour le pire, bien au contraire, car elle incite à se réinventer, à s’ouvrir, à accepter la diversité, autant de qualité et de compétences indispensables pour réussir.

Il faut avoir la capacité à ne pas craindre un paysage de l’assurance bien plus divers qu’il ne l’a jamais été, que ce soit dans ses modes de distribution, la forme des produits proposés, des commodités aux produits « enrichis » et personnalisés.

La réussite dans la diversité résulte de la coexistence de nombreux modèles, parmi lesquels le suivi individuel du risque versus la mutualisation statistique ou encore le full online versus des parcours mêlant réseaux physiques connectés et web.

Dans les compétences indispensables à la réussite, le courtier devra maîtriser la digitalisation pour développer la prévention, permettre à ses clients d’accéder à l’assurance de partout, et de les accompagner au plus près de leurs besoins et de leur cycle de vie. Adopter une organisation « zéro papier », automatiser et industrialiser ses process, développer des capacités de modélisation et de calculs toujours plus complexes, organiser le cabinet de courtage autour des flux d’informations, renforcer sans cesse la qualité et la fiabilité des données, maîtriser une véritable data visualisation pour toujours mieux exploiter le big data… Voilà autant de compétences et de savoir-faire qui seront les axes fondamentaux de la réussite du courtier dans le plein exercice de son activité.


Eric Debèse : Sans hésiter, l’expertise et la technicité du crédit. Ça c’est vraiment indispensable. Mais au-delà de ça, c’est l’adaptabilité par rapport au profil de son client. Il faut être capable de passer d’un dossier à l’autre sur des profils très différents. Mais ça, c’est plutôt le profil actuel en fin de compte.

Pour demain, il faudrait être capable de déceler et anticiper des prospects potentiels, voire même de provoquer le besoin. Cela passe notamment par une communication adaptée sur les réseaux sociaux avec des communications ajustées à chaque segment de prospects. Il faut donc être agile sur ces messages, segmenter la cible pour arriver à susciter et provoquer des besoins. En fin de compte, s’appuyer davantage sur les différents outils digitaux.

En gros, les courtiers, il va falloir qu’ils s’y mettent. Je suis un peu dur en disant ça mais Facebook et Amazon ne vont pas nous attendre. Le client, il faut aller le chercher dans son canapé !

L'omnicanalité devient une nécessité pour le courtier du futur, Interview Widmee

Widmee : Selon vous, à quoi ressemblera le courtier du futur ?

Eric Lamouret : En toute logique, le courtier du futur doit déjà être celui qui exerce aujourd’hui ! Il doit proposer des offres pertinentes et personnalisées à des moments clés, pouvant offrir des packages de services différenciants et en sachant les faire évoluer avec agilité.

Il doit également être un gestionnaire actif dans la gestion des sinistres en proposant des prestations alliant prix, qualité et efficacité, afin d’augmenter le niveau de satisfaction client par la mise en œuvre d’une expérience client maîtrisée.

Il doit être en mesure d’explorer les nouveaux canaux de distribution et de la relation client pour un contact plus efficace et un ton plus direct, en combinant digitalisation et humanisation de la relation. Le courtier doit créer un véritable lien de confiance avec ses clients pour délivrer la promesse contractuelle dans une logique d’expérience client positive indispensable à la fidélisation.

Le courtier doit aussi maîtriser tous les leviers d’augmentation de la rentabilité de sa structure, savoir digitaliser les chaînes de production/sinistre dans une logique de satisfaction client et d’amélioration des processus. Les grossistes et les spécialistes doivent développer leur ingénierie marketing, assembler des offres packagées, négocier de meilleures conditions avec les compagnies, voire être en capacité de porter, eux même tout ou partie du risque, ce qui demande une excellente vision et une connaissance parfaite des habitudes des dossiers des assurés.

Pour le courtier du futur, l’omnicanal n’est pas en soi une opportunité, c'est une nécessité. La volonté des clients et l’évolution des habitudes contraignent les acteurs du marché à devoir s’engager sur l’omnicanalité. On parle de contrainte car c’est une réelle difficulté pour certains acteurs historiques dont les systèmes d’informations sont difficilement évolutifs. Les coûts de transformation sont donc plus importants pour certains par rapport aux nouveaux acteurs évoluant nativement avec le digital.

Le courtier du futur doit être vigilant. S’il n’existe pas de danger à la digitalisation, cela reste un outil. Le danger réside dans la façon dont les acteurs vont utiliser cet outil. Certains seront tentés d’y voir principalement des économies en termes de ressources, d’autres y verront l’occasion de refondre des processus moins coûteux, plus maîtrisés, certains enfin saisiront une opportunité pour refondre les principes de la relation client et leur approche du marché. La vérité sera multiple mais les gagnants seront ceux qui mettent la satisfaction client au cœur de cette stratégie et qui pourront réintroduire de l’humain auprès de leur clientèle. La combinaison du digital et de l’humain sera essentielle.


Eric Debèse : Le courtier du futur doit rester expert de son métier, ça, c’est ma conviction profonde. Il ne faut pas se transformer en une sorte de supermarché des services bancaires et assurantiels. Lors de la mise en relation avec le client, ce dernier vient chercher un expert du financement. Il faut que le courtier reste sur sa spécialisation.

Dans le cadre de la découverte du projet, si le courtier vient à découvrir d’autres projets ou attentes, il devra être capable d’y répondre en aiguillant vers d’autres experts sur d’autres lignes de métiers. En gagnant la confiance de son client au moment du financement du projet immobilier, naturellement, le client repassera par le courtier pour obtenir le même gage de qualité, d’expertise et de confiance. Donc je pense que l’avenir du courtage passera aussi par des partenariats, internes ou externes, tout en restant expert et étant capable d’orienter son client vers un autre professionnel si besoin.

IV. Courtage et agrégation : un mariage parfait ?

Widmee : Que pensez-vous de l’agrégation bancaire ? Quels avantages pourriez-vous en extraire dans le cadre de votre activité ?

Eric Debèse : Très clairement, il y a plusieurs aspects. Pour le courtier, c'est sans doute un gain de temps pour récupérer des relevés bancaires. Si on prend l’exemple d’un couple, il y a souvent 3 comptes, dont un compte commun, dans des établissements bancaires différents. Dans l’analyse d’un dossier de financement, le courtier a besoin des 3 derniers mois de relevés de comptes. Il y a forcément un gain de temps formidable si l’outil d’agrégation des comptes permet aux clients de donner accès au courtier à ses données bancaires. Effectivement, on gagnerait beaucoup de temps. Et puis en plus de ça, le processus de souscription d’un crédit immobilier prend parfois plusieurs mois. Et donc, entre le premier rendez-vous et la transmission du dossier, il faut réactualiser les documents. Donc énormément de gain de temps grâce à cette agrégation, ça c’est certain.

Côté client, je suis convaincu aussi que ça a un réel intérêt au moment de la souscription d’une solution de financement. Tout simplement parce que très souvent, il va y avoir un changement de banque. Et donc si on est dans une agrégation, on va pouvoir conserver la même interface ! Avec l’agrégation, je retrouve toujours la présentation de mes comptes dans l’environnement que je connais déjà avec, sans doute, des conseils pour bien gérer mes comptes. On le sait, les français ont souvent un petit manque de connaissances et d’éducation financière. Un agrégateur de comptes doit pouvoir pousser les conseils ou alerter le client sur la gestion de ses finances.

Et puis enfin, il y a un intérêt pour les banques. Qui, avec des clients qui géraient mieux leurs comptes, auraient moins de découvert. Car, encore une fois, la banque n’a qu’une vision parcellaire de ses clients. Or, l’outil d’agrégation va tenir compte de l’ensemble des comptes, de l’ensemble des mouvements et va pouvoir analyser plus finement pour mieux conseiller l’utilisateur.

Et si on pousse la réflexion, la banque, aujourd’hui, peut adapter le budget du client sur les 3 derniers mois. Mais, est-ce qu’il ne serait pas intéressant avec un outil d’agrégation, de ne pas se contenter des 3 derniers mois mais de regarder sur les 12 ou 24 derniers mois pour analyser le comportement bancaire du client, affiner le score en fonction de son comportement sur du moyen long terme et être encore plus fin dans la proposition commerciale. Récompenser les clients les plus prudents, les plus fins gestionnaires.


Eric Lamouret : Je partage le point de vue de Widmee sur le sujet. Comme vous le dites, l’agrégation permet d’optimiser le processus « Know Your Customer » (KYC)en automatisant la collecte des données et en récupérant des données déjà vérifiées. Cet accès aux données bancaires de leurs clients permet aux courtiers de personnaliser et contextualiser leurs offres pour procurer à leur clientèle une expérience optimale.

L’avantage pour les courtiers d’assurance est évident, cela les aide à optimiser l’exploitation des données clients pour aboutir à la solution optimale en phase avec leurs profils et leurs besoins, à optimiser le suivi de la relation client, à déjouer la concurrence pariant sur la désintermédiation en étant plus proches que jamais de nos clients, avec une finesse inégalée en allant jusqu’au sur-mesure.

En qualité de mandataire de son client, cette approche personnalisée répond à la véritable promesse de valeur ajoutée du courtier à sa clientèle, les informations disponibles grâce à l’agrégation renforçant le rôle d’expert du courtier et valorisant son indépendance.

L’agrégation répond par ailleurs aux enjeux actuels de la crise sanitaire et aux usages distanciés du courtage avec la mise en œuvre de parcours full digitaux, avec une meilleure segmentation des clients sur la base de leurs comportements permettant de trouver des correspondances plus fines avec les produits des compagnies.

Il est évident que la Directive européenne sur les Services de Paiement N°2 (DSP2) facilitant l’accès aux données bancaires par des acteurs tiers, offre de nouvelles perspectives aux agrégateurs de données en ouvrant la voie à de nouveaux usages, ce qui constitue pour les courtiers d’assurance une véritable opportunité pour mieux contextualiser leurs offres.

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[1] L’EBITDA est un sigle anglophone pour « Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization ». Un EBITDA positif est le signe qu’une entreprise est rentable. Sa traduction française est BAIIA pour « Bénéfice Avant Intérêts, Impôts et Amortissements ».

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