La transformation digitale des acteurs financiers est une réalité indéniable.
Courant 2019, Accenture publiait déjà cette statistique éclairante : 96% des cadres en assurance estimaient que le rythme de l’innovation dans leurs entreprises s’était accéléré au cours des 3 dernières années avec l’émergence de nouvelles technologies.
Les évolutions réglementaires, la concurrence de nouveaux acteurs, les attentes des clients et, depuis 2020, la crise sanitaire contribuent à remodeler le métier de courtier.
Où en est-on aujourd’hui de la digitalisation du courtage ? Quelles sont les tendances à considérer pour les années à venir ?
I. Pourquoi la transformation digitale du courtage est-elle inéluctable ?
1. Des obligations réglementaires renforcées
Dans sa volonté de toujours mieux protéger les assurés, le législateur a profondément remodelé les métiers du courtage.
En effet, l’Union Européenne a multiplié ces dernières années les réglementations visant à encadrer les pratiques des acteurs financiers et à les harmoniser sur le territoire européen.
L’entrée en vigueur de la RGPD vise à renforcer la protection des données personnelles en encadrant plus strictement leur utilisation. La Directive sur la Distribution d’Assurance (DDA) impacte directement le quotidien des courtiers. En effet, elle inscrit dans la loi l’obligation d’un conseil honnête et impartial au client. Elle renforce également le droit à l’information des clients.
Les obligations liées au KYC (Know Your Customer) s’appliquent aussi aux courtiers en assurance. Elles leur imposent de vérifier l’identité des souscripteurs au nom de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ces obligations vont dans le sens de pratiques plus déontologiques. L’ACPR, l’autorité de régulation du secteur financier en France, veille à la bonne application des réglementations. En contrepartie, elles alourdissent les tâches du courtier, avec un impact non négligeable sur les acteurs de petite taille.
Pour satisfaire aux exigences de l’ACPR, en matière de reporting notamment, l’utilisation d’un outil digital performant est un véritable atout.
2. La concurrence des nouveaux acteurs
Pour les acteurs historiques, les obligations réglementaires impose de nouvelles contraintes alors même qu’ils sont confrontés à l’émergence de nouveaux concurrents : bancassurance, comparateurs, acteurs de l’insurtech, distribution directe par les assureurs,…
Cette concurrence accrue invite les courtiers à se démarquer par la qualité des conseils prodigués. La valeur ajoutée du courtier passe par une expérience client optimale, c’est-à-dire :

Or, a priori, ces deux attentes s’opposent. Le bon matching entre le profil d’assuré et l’offre passe par une meilleure connaissance client et une analyse approfondie des profils de risques.
Par ailleurs, ce foisonnement de l’offre rend le choix des bonnes solutions plus difficile pour le courtier. Pour satisfaire son client, il doit connaître l’ensemble des solutions existantes, ce qui rallonge le temps passé à se former et s’informer.
La digitalisation apparaît donc comme un moyen d’automatiser certaines tâches pour répondre à des enjeux apparemment contradictoires.
3. Les attentes des clients
Les attentes des clients ont évolué avec la démocratisation du web. Le secteur financier n’échappe pas à cette réalité. Habitués à des parcours d’achat fluides, les clients sont aussi en recherche d’immédiateté dans les relations avec les courtiers.
Là encore, cette attente s’accommode assez peu avec les obligations réglementaires que nous évoquions plus haut. Il appartient donc au courtier de concilier les nouvelles exigences des assurés et celles des organes de régulation.
La demande de personnalisation des solutions est un autre enjeu pour le courtier. Au carrefour entre l’offre et la demande, il gagne à s’appuyer sur un double niveau de connaissance :

En résumé, on attend du courtier moderne qu’il soit plus réactif pour proposer à ses clients des solutions sur mesure tout en intégrant les obligations réglementaires. Nous allons voir en quoi la digitalisation de certains process répond aux dilemmes du courtier.
II. Les enjeux de la transformation digitale du courtage
1. Augmenter la maîtrise des données
Compte tenu des attentes qui pèsent sur le courtier, la maîtrise des données est devenue un enjeu crucial pour le développement et la pérennité des acteurs.
Or, en quelques années, la nature, la quantité et la fiabilité des données exploitées par les courtiers ont radicalement changé.
Auparavant, les seules données exploitables étaient les données déclaratives des souscripteurs. Sur cette base, le courtier établissait un profil de risque et proposait des solutions adéquates. Il suffisait que le client omette de déclarer une information ou travestisse, sciemment ou non, la réalité pour fausser l’analyse.
Avec l’avènement du web et du big data, la quantité de données disponibles a explosé. Le courtier a plus rapidement accès à des données statistiques. Il peut aussi recueillir des données sur son client pendant le parcours de souscription pour contextualiser son offre.
De même, l’accès aux informations sur les produits financiers était traditionnellement contrôlé par les acteurs financiers eux-mêmes. Désormais, il est possible de s’appuyer par exemple sur des avis clients publics pour pondérer son opinion sur un produit donné.
L’accessibilité des données est une chose. La maîtrise en est une autre. L’enjeu pour les courtiers est donc de trouver des solutions facilement actionnables pour recueillir, traiter et analyser ces données dans le cadre de leur mission de conseil.
2. Développer une expérience client omnicanale sans couture
La digitalisation du courtage s’est encore accélérée avec la crise sanitaire. En effet, avec les confinements successifs, les usages distanciés se sont renforcés. Certes, la tendance n’est pas nouvelle mais les acteurs ne disposant pas déjà d’une présence digitale forte ont particulièrement souffert.
Même si la dimension humaine du courtage reste essentielle – c’est un métier qui repose sur la confiance, l’avenir du courtage repose sur la capacité des acteurs à créer une expérience omnicanale de qualité.
La réactivité et la fluidité des parcours en ligne, notamment pour la souscription, n’est plus une option. De même, les clients souhaitent pouvoir réaliser facilement, en quelques clics, certaines modifications dans leurs contrats.
Même si tous les clients ne recherchent pas une expérience full digitale, la tendance est forte. Pour les courtiers, la capacité à faire cohabiter une offre physique, incarnée et des services en ligne sera l’une des clés dans l’évolution du métier.
Aussi, quand on parle de digitalisation, il est surtout important de déterminer quoi digitaliser, pourquoi on le fait et quel ROI on attend de la digitalisation.
III. Comment digitaliser les parcours clients dans le courtage ?
1. Accélérer son processus KYC
Pour le courtier, les outils digitaux offrent un gain de temps et d’efficacité sur certaines obligations réglementaires. Typiquement, les obligations liées au KYC sont chronophages. Elles nécessitent des allers-retours et échanges de documents entre le cabinet et le souscripteur.
L’agrégation de comptes bancaires permet d’automatiser cette tâche. Avec l’accord du client, le courtier recueille directement les données auprès des établissements bancaires. Le parcours de souscription s’en trouve raccourci et fluidifié.
2. Engranger de la connaissance client tout au long du parcours
Les clients recherchent des produits financiers adaptés à leurs projets de vie, pour les particuliers, ou à l’évolution de leur entreprise, pour les professionnels. Dans le temps, les risques à couvrir évoluent. Et, donc, il faut en permanence réévaluer ses contrats. D’autant que l’offre de produits financiers s’étoffe elle aussi régulièrement.
Pour assurer ce suivi et garantir une expérience optimale dans le temps, le courtier s’appuie sur sa connaissance client. L’agrégation permet de disposer de données en temps réel sur la situation du client.
Typiquement, le courtier pourra programmer des alertes sur certains événements et recontacter son client pour lui proposer une offre en adéquation avec les évolutions de son profil.
3. S’appuyer sur l’IA pour trouver des correspondances entre le profil de l’assuré et les produits
Les évolutions récentes du courtage tendent vers une automatisation (au moins partielle) du matching entre le profil client et les produits financiers. Avec des solutions basées sur l’IA, c’est finalement assez simple à mettre en place.
En amont, vous recueillez les données clients :

Ensuite, une intelligence artificielle préalablement nourrie avec les informations sur les produits financiers procède à l’analyse du profil de risque. Pour les données déclaratives, l’IA se basera sur une analyse sémantique du verbatim client.
En un temps record, l’outil vous donne une liste de correspondances. Pour le courtier, c’est une aide précieuse pour affiner son offre. Il lui restera à expliquer au client pourquoi les solutions shortlistées sont les meilleures pour lui, accomplissant ainsi parfaitement son devoir de conseil.
La digitalisation du courtage n’est plus une option. C’est déjà une réalité pour la plupart des acteurs. Les attentes réglementaires, les exigences des clients et la pression de concurrents pure players du digital ne laissent guère d’alternatives.
La question qui, désormais, façonne l’écosystème du courtage, c’est l’étendue de cette digitalisation. Doit-elle être totale, avec des parcours full digitaux ? Ou alors la dimension humaine du courtage est-elle incompressible ? D’ores et déjà, des stratégies différentes cohabitent.
Dans notre prochain article, deux experts du courtage nous livreront leur regard croisé sur ces évolutions.