La Directive européenne sur les Services de Paiement N°2 (DSP2) facilite l’accès aux données bancaires par des acteurs tiers.
Cette ouverture offre de nouvelles perspectives aux agrégateurs de données. Alors que l’agrégation de données bancaires se généralise et ouvre la voie à de nouveaux usages, le secteur assurantiel pourrait lui aussi bénéficier de cette opportunité.
Dans cet article, nous allons voir comment l’agrégation de données peut permettre aux assurances d’ajuster leurs offres aux besoins réels de leurs clients.
I. Agrégation de données bancaires et Assurance
1. Qu’est-ce que l’agrégation de données bancaires ?
L’agrégation de comptes consiste à regrouper, analyser et synthétiser des données recueillies depuis plusieurs comptes bancaires, auprès d’établissements distincts.
La pratique n’est pas nouvelle. Le marché de l’agrégation se développe depuis plusieurs années. Les particuliers recourent notamment aux services des agrégateurs de comptes pour centraliser la gestion de leurs finances personnelles.
" L’un des avantages des agrégateurs réside dans la catégorisation des dépenses courantes. "
Grâce à un tableau de bord personnalisé, le client peut visualiser très facilement ses différents postes de dépenses (logement, automobile, loisirs, santé, alimentation,…). Cela lui permet par exemple de mieux anticiper et gérer son budget.
Cependant, l’entrée en vigueur de la DSP2 marque une nouvelle étape pour les agrégateurs. En effet, dans un souci de transparence, la directive prévoit que les banques ouvrent l’accès aux données de leurs clients à des acteurs autorisés du secteur financier.
L’open banking est une excellente nouvelle pour les agrégateurs, mais aussi pour leurs clients professionnels. Dans un article précédent, nous avons vu comment les acteurs du cashback, du recouvrement et de l’expertise comptable pouvaient bénéficier de cette évolution.
Le secteur de l’assurance pourrait bien leur emboîter le pas et exploiter de nouveaux usages de l’agrégation pour mieux contextualiser ses offres.
2. Les avantages de l’agrégation pour le secteur assurantiel
L’assurance repose sur un principe simple. L’assureur prend en charge la gestion d’un ou plusieurs risques. En contrepartie, l’assuré s’acquitte d’une cotisation en échange de cette protection. Les conditions entre les deux parties sont définies par le contrat d’assurance.
Or, ces conditions sont directement liées à l’évaluation du risque que réalise l’assureur, notamment sur la base des informations fournies par l’assuré.
L’agrégation de données va vraisemblablement modifier la relation entre assureur et assuré. En effet, grâce à l’agrégation, les compagnies d’assurance pourront recueillir directement des informations sur leurs assurés.
Synthétiser ces données dans leur logiciel CRM devrait ouvrir plusieurs pistes aux assureurs pour améliorer leur relation et leur expérience client. En premier lieu, ils seront en mesure de proposer une nouvelle offre en se fondant sur les informations collectées. Ils pourront aussi optimiser la gestion des risques en prenant davantage en compte les éléments de contexte.
Enfin, si les compagnies d’assurance accèdent via l’agrégation aux données bancaires de leurs clients, elles pourront analyser leur structure de dépenses. Elles auront donc l’opportunité d’évaluer certains risques, non plus sur le temps long, mais en temps réel. Elles seront donc en capacité d’adapter leurs offres au contexte.
II. Les enjeux du secteur assurantiel
Le secteur de l’assurance est très concurrentiel. Un client mécontent peut facilement avoir la tentation de rompre son contrat pour passer à la concurrence.
Dans ce contexte, les assureurs doivent avoir le souci permanent d’optimiser l’expérience client.
" Or, l’expérience client doit s’appuyer sur une connaissance très fine du profil de ses assurés et de leurs besoins réels. "
En matière d’assurance automobile, le calcul de la prime est déjà corrélé au profil du conducteur. Un conducteur expérimenté et rarement accidenté paie une moindre prime qu’un jeune conducteur ou un conducteur à risque. De même, si la voiture est stationnée dans un garage, la prime est réduite. La cotisation varie également selon la région ou le type de véhicule.
L’agrégation de données permet d’aller encore plus loin dans la contextualisation. Pourquoi ne pas imaginer qu’un assuré voit sa prime diminuer lorsqu’il roule moins ?
C’est sur la base de ce raisonnement que la MAIF a décidé de reverser 100 millions d’euros à ses sociétaires détenteurs d’un contrat automobile et à jour de cotisation.
Dans le contexte de la crise sanitaire, la MATMUT a décidé le gel de ses tarifs d’assurance automobile jusqu’à fin 2021. Le groupe a également annoncé des mesures solidaires en direction des personnels soignants, des établissements hospitaliers et des personnes sans emploi.
Dans les deux cas, les deux compagnies ont agi en fonction du contexte relatif au COVID-19. Et si, au-delà des périodes de crise, la contextualisation devenait la norme dans la gestion des contrats d’assurance ?


III. Agrégation de données et assurance sur-mesure
Les exemples de la MAIF et de la MATMUT montrent bien que le contexte a une influence sur les contrats d’assurance.
Certes, ces mesures sont guidées par la nature exceptionnelle de la situation. Néanmoins, le développement de l’agrégation de données pourrait ouvrir la porte à une contextualisation croissante du risque assurantiel.
En effet, les acteurs qui s’adaptent au contexte de leurs assurés prennent un avantage compétitif certain sur leurs concurrents. Certains clients déjà interrogent leur assureur sur la possibilité de le voir suivre l’exemple de la MAIF.
Pour le moment, les autres assureurs refusent de s’aligner. Pourtant, la demande des clients pour l’assurance sur-mesure devrait s’intensifier. Certains assurés ou certaines catégories professionnelles pourraient à terme bénéficier de dispositions particulières en fonction de leur activité ou de leurs besoins réels.
" Pour les assureurs, ce serait l’occasion de renforcer la relation de confiance avec leurs clients en leur faisant payer un tarif juste, adapté à leurs comportements. "
Or, l’agrégation rend justement cela possible. Grâce à la catégorisation des dépenses, les assureurs peuvent désormais tracker les modes de consommation des assurés et leur proposer la meilleure offre.
Par exemple, en analysant les dépenses des clients dans les stations-essence, un assureur pourrait estimer le kilométrage réalisé par un automobiliste et proposer un tarif moins élevé à ceux qui conduisent moins.
L’agrégation peut aussi permettre aux assureurs de pousser des offres spécifiques au client. Par exemple, si un assuré commande un billet d’avion pour l’étranger, le service client pourra lui proposer de faire le point sur sa couverture à l’international.
L’agrégation de données offre de nouveaux horizons aux compagnies d’assurance. Dans un secteur où la relation client est essentielle, elle peut donner un avantage concurrentiel à ceux qui feront le pari de l’assurance sur-mesure et en temps réel. En effet, cet accès élargi aux données favorisera l’émergence d’offres contextualisées. Ainsi l’agrégation sera source d’opportunités pour les assureurs mais aussi par les assurés dont les comportements vertueux seront mieux récompensés et les besoins mieux compris.